Page:Alexis de Tocqueville - Souvenirs, Calmann Levy 1893.djvu/175

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour représentants ceux qui avaient le plus d’intérêt à la défendre, sont les raisons principales qui expliquent la présence de ce grand nombre de propriétaires. L’élection des ecclésiastiques provenait de causes semblables et d’une cause différente et plus digne encore d’être considérée. Cette cause était un retour presque général et très inattendu d’une grande partie de la nation vers les choses religieuses.

La révolution de 92, en frappant les hautes classes, les avait corrigées de l’irréligion ; elle leur avait fait toucher du doigt sinon la vérité, au moins l’utilité sociale des croyances. Cette leçon avait été perdue pour la classe moyenne, restée leur héritière politique et leur rivale jalouse ; celle-ci était même devenue plus incrédule à mesure que l’autre semblait redevenir dévote. La révolution de 1848 venait de faire en petit pour la bourgeoisie ce que celle de 92 avait fait pour la noblesse : mêmes revers, mêmes terreurs, même retour, c’était le même tableau, peint seulement plus en petit et avec des couleurs moins vives et, sans doute, moins durables. Le clergé avait facilité cette conversion en se détachant lui-même de tous les anciens partis politiques et en rentrant dans l’esprit ancien et véritable de tout clergé catholique, qui est de n’appartenir qu’à l’Église ; il professait donc volontiers des opinions républicaines, tout en donnant aux inté-