seoir. Le garde de mes propriétés, demi-paysan, me rendant compte de ce qui se passait dans le pays, aussitôt après le 24 février, m’écrivait : « Les gens disent que si Louis-Philippe a été renvoyé, c’est bien fait et qu’il l’avait bien mérité… » C’était là, pour eux, toute la morale de la pièce. Mais quand ils entendirent parler du désordre qui régnait dans Paris, des impôts nouveaux qu’on allait établir, de la guerre générale qui était à craindre ; lorsqu’ils virent le commerce qui s’arrêtait et l’argent qui semblait s’enfoncer sous terre et que, surtout, ils apprirent qu’on attaquait le principe de la propriété, ils s’aperçurent bien qu’il s’agissait d’autre chose que de Louis-Philippe.
La peur, qui s’était d’abord arrêtée dans le haut de la société, descendit alors jusque dans le fond de la classe populaire, et une terreur universelle s’empara de tout le pays. C’est en cet état que je le trouvai, lorsque j’y arrivai vers le milieu de mars. Je fus frappé aussitôt d’un spectacle qui m’étonna et me charma. Une certaine agitation démagogique régnait, il est vrai, parmi les ouvriers des villes, mais dans les campagnes tous les propriétaires, quels que fussent leur origine, leurs antécédents, leur éducation, leurs biens, s’étaient rapprochés les uns des autres, et ne semblaient former qu’une seule classe ; les anciennes haines d’opinion, les anciennes rivalités de caste et de fortune n’étaient plus