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pondis-je, l’intention est bonne, mais vous venez trop tard : la duchesse d’Orléans a disparu et la Chambre est dispersée. » Or, où était le même soir ce fougueux défenseur de la monarchie ? Le trait mérite d’être raconté et remarqué parmi tous les traits de versatilité dont l’histoire des révolutions fourmille. M. Andryane était dans le cabinet de M. Ledru-Rollin, administrant au nom de la République comme secrétaire général du ministère de l’intérieur.

Pour en revenir à la colonne qu’il conduisait, je me joignis à elle, quoique je n’espérasse plus rien de ses efforts. Obéissant machinalement au mouvement qui lui avait été imprimé, elle s’avança jusqu’aux portes de la Chambre ; là, les hommes qui la composaient apprirent ce qui venait d’avoir lieu ; ils tournoyèrent un moment sur eux-mêmes, puis se débandèrent de tous côtés. Une demi-heure plus tôt, cette poignée de gardes nationaux eût put comme au 15 mai suivant, changer les destinées de la France. Je laissai écouler cette nouvelle foule et repris ensuite, seul et fort pensif, le chemin de ma maison, non sans avoir jeté un dernier regard sur cette salle maintenant déserte et muette, où j’avais entendu retentir, durant neuf ans, tant de paroles éloquentes et vaines.

M. Billault, qui avait quitté la Chambre, quelques moments avant moi, par le guichet de la rue de Bour-