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les délibérations qui y seront prises, pour me les envoyer sur-le-champ avec votre avis. »

On voit, en effet, par la correspondance de l’intendant avec ses subdélégués, que le gouvernement a la main dans toutes les affaires des villes, dans les moindres comme dans les plus grandes. On le consulte sur tout, et il a un avis décidé sur tout ; il y règle jusqu’aux fêtes. C’est lui qui commande, dans certains cas, les témoignages de l’allégresse publique, qui fait allumer les feux de joie et illuminer les maisons. Je trouve un intendant qui met à l’amende de vingt livres des membres de la garde bourgeoise qui se sont absentés du Te Deum.

Aussi les officiers municipaux ont-ils un sentiment convenable de leur néant.

« Nous vous prions très-humblement, monseigneur, écrivent quelques-uns d’entre eux à l’intendant, de nous accorder votre bienveillance et votre protection. Nous tâcherons de ne pas nous en rendre indignes, par notre soumission à tous les ordres de Votre Grandeur. » — « Nous n’avons jamais résisté à vos volontés, monseigneur, » écrivent d’autres qui s’intitulent encore magnifiquement pairs de la ville.

C’est ainsi que la classe bourgeoise se prépare au gouvernement et le peuple à la liberté.

Au moins, si cette étroite dépendance des villes avait préservé leurs finances ; mais il n’en est rien. On avance que sans la centralisation les villes se ruineraient aussitôt : je l’ignore ; mais il est certain que, dans le dix--