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Si vous ouvrez un almanach de l’ancien régime, vous y trouvez que chaque province avait son ministre particulier ; mais, quand on étudie l’administration dans les dossiers, on aperçoit bientôt que le ministre de la province n’a que quelques occasions peu importantes d’agir. Le train ordinaire des affaires est mené par le contrôleur-général ; celui-ci a attiré peu à peu à lui toutes les affaires qui donnent lieu à des questions d’argent, c’est-à-dire l’administration publique presque tout entière. On le voit agir successivement comme ministre des finances, ministre de l’intérieur, ministre des travaux publics, ministre du commerce.

De même que l’administration centrale n’a, à vrai dire, qu’un seul agent à Paris, elle n’a qu’un seul agent dans chaque province. On trouve encore, au dix-huitième siècle, de grands seigneurs qui portent le nom de gouverneurs de province. Ce sont les anciens représentants, souvent héréditaires, de la royauté féodale. On leur accorde encore des honneurs, mais ils n’ont plus aucun pouvoir. L’intendant possède toute la réalité du gouvernement.

Celui-ci est un homme de naissance commune, toujours étranger à la province, jeune, qui a sa fortune à faire. Il n’exerce point ses pouvoirs par droit d’élection, de naissance ou d’office acheté ; il est choisi par le gouvernement parmi les membres inférieurs du conseil d’État et toujours révocable. Séparé de ce corps, il le représente, et c’est pour cela que, dans la langue administrative du temps, on le nomme le commissaire