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celui-ci ne peut se racheter. À travers toutes ces diversités, un trait commun se présente : tous ces droits se rattachent plus ou moins au sol ou à ses produits  ; tous atteignent celui qui le cultive.

On sait que les seigneurs ecclésiastiques jouissaient des mêmes avantages ; car l’Église, qui avait une autre origine, une autre destination et une autre nature que la féodalité, avait fini néanmoins par se mêler intimement à elle, et, bien qu’elle ne se fût jamais complètement incorporée à cette substance étrangère, elle y avait si profondément pénétré qu’elle y demeurait comme incrustée.

Des évêques, des chanoines, des abbés possédaient donc des fiefs ou des censives en vertu de leurs fonctions ecclésiastiques. Le couvent avait, d’ordinaire, la seigneurie du village sur le territoire duquel il était placé. Il avait des serfs dans la seule partie de la France où il y en eût encore  ; il employait la corvée, levait des droits sur les foires et marchés, avait son four, son moulin, son pressoir, son taureau banal. Le clergé jouissait de plus, en France, comme dans tout le monde chrétien, du droit de dîme.

Mais ce qui m’importe ici, c’est de remarquer que, dans toute l’Europe alors, les mêmes droits féodaux, précisément les mêmes, se retrouvaient, et que, dans la plupart des contrées du continent, ils étaient bien plus lourds. Je citerai seulement la corvée seigneuriale. En France, elle était rare et douce ; en Allemagne, elle était encore universelle et dure.