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voulait les vendre, on avait besoin de savoir quelle était la manière de les apprécier, et quel capital représentait, suivant son importance, chaque espèce d’entre eux. Tous ces points, qui touchaient à mille intérêts pécuniaires, étaient sujets à débats, et il s’était formé tout un ordre de légistes dont l’unique occupation était de les éclaircir. Plusieurs de ceux-là ont écrit dans la seconde moitié du dix-huitième siècle, quelques-uns aux approches même de la Révolution. Ce ne sont pas des jurisconsultes proprement dits, ce sont des praticiens dont le seul but est d’indiquer aux gens du métier les règles à suivre dans cette partie si spéciale et si attrayante du droit. En étudiant attentivement ces feudistes, on arrive à se faire une idée assez détaillée et assez claire d’un objet dont la masse et la confusion étonnent d’abord. Je donne ci-dessous le résumé le plus succinct que j’ai pu faire de mon travail. Ces notes sont principalement tirées de l’ouvrage d’Edme de Fréminville, qui écrivait vers 1750, et de celui de Renauldon, écrit en 1765 et intitulé : Traité historique et pratique des Droits seigneuriaux.

Le cens (c’est-à-dire la redevance perpétuelle en nature et en argent qui est attachée par les lois féodales à la possession de certaines terres) modifie encore profondément au dix-huitième siècle la condition d’un grand nombre de propriétaires. Le cens continue à être indivisible, c’est-à-dire qu’on peut s’adresser à celui des possesseurs que l’on veut de l’immeuble donné à ce cens et lui demander le cens entier. Il est toujours imprescriptible. Le propriétaire d’un immeuble chargé de cens ne peut le vendre sans être exposé au retrait censuel, c’est-à-dire sans être obligé de laisser reprendre la propriété au prix de la vente ; mais cela n’a plus lieu que dans certaines coutumes ; celle de Paris, qui est la plus répandue, ne reconnaît pas ce droit.

Lods et ventes. C’est une règle générale, en pays coutumier, que la vente de tout héritage censuel produit des lods