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dans la société civile, la conséquence s’en faisait sentir indirectement dans la société politique ; les hommes ainsi liés formaient des masses irrégulières et inorganisées, mais réfractaires sous la main du pouvoir. La Révolution, ayant brisé ces liens sociaux sans établir à leur place de liens politiques, a préparé à la fois l’égalité et la servitude.



Exemple de la manière dont les tribunaux s’exprimaient à l’occasion de certains actes arbitraires.


D’un mémoire mis sous les yeux d’un contrôleur général, en 1781, par l’intendant de la généralité de Paris, il résulte qu’il était dans l’usage de cette généralité que les paroisses eussent deux syndics, l’un élu par les habitants dans une assemblée présidée par le subdélégué, l’autre choisi par l’intendant, et qui était le surveillant du premier. Dans la paroisse de Rueil, une querelle survint entre les deux syndics, le syndic élu ne voulant pas obéir au syndic choisi. L’intendant obtint de M. de Breteuil de faire mettre pour quinze jours à la Force le syndic élu, lequel fut, en effet, arrêté, puis destitué, et un autre mis à sa place. Là-dessus, le parlement, saisi à la requête du syndic emprisonné, commence une procédure, dont je n’ai pas trouvé la suite, où il dit que l’emprisonnement de l’appelant et son élection cassée ne peuvent être considérés que comme des actes arbitraires et despotiques. La justice était alors parfois mal embouchée !