Page:Alexis de Tocqueville - L'Ancien Régime et la Révolution, Lévy, 1866.djvu/411

Cette page a été validée par deux contributeurs.



Analyse des cahiers de la noblesse en 1789.


La Révolution française est, je crois, la seule au commencement de laquelle les différentes classes aient pu donner séparément un témoignage authentique des idées qu’elles avaient conçues et faire connaître les sentiments qui les animaient avant que cette révolution même n’eût dénaturé ou modifié ces sentiments et ces idées. Ce témoignage authentique fut consigné, comme chacun sait, dans les cahiers que les trois ordres dressèrent en 1789. Ces cahiers ou mémoires furent rédigés en pleine liberté, au milieu de la publicité la plus grande, par chacun des ordres qu’ils concernaient ; ils furent longtemps discutés entre les intéressés et mûrement réfléchis par leurs rédacteurs ; car le gouvernement de ce temps-là, quand il s’adressait à la nation, ne se chargeait pas de faire tout à la fois la demande et la réponse. À l’époque où les cahiers furent dressés, on en réunit les parties principales en trois volumes imprimés qu’on voit dans toutes les bibliothèques. Les originaux sont déposés aux archives nationales, et avec eux se trouvent les procès-verbaux des assemblées qui les rédigèrent, et, en partie, la correspondance qui eut lieu, à la même époque, entre M. Necker et ses agents, à propos de ces assemblées. Cette collection forme une longue série de tomes in-folio. C’est le document le plus sérieux qui nous reste de l’ancienne France, et celui que doivent sans cesse consulter ceux qui veulent savoir quel était l’état d’esprit de nos pères au moment où la Révolution éclata.

Je pensais que peut-être l’extrait imprimé en trois volu-