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voirs. Le chef de l’État, est-il dit dans l’introduction, à qui appartient le devoir de produire le bien général, seul but de la société, est autorisé à diriger et à régler tous les actes des individus vers ce but.

Parmi les principaux devoirs de cet agent tout-puissant de la société, je trouve ceux-ci : maintenir la paix et la sécurité publiques au dedans, et y garantir chacun contre la violence. Au dehors, il lui appartient de faire la paix et la guerre ; lui seul doit donner des lois et faire des règlements généraux de police ; il possède seul le droit de faire grâce et d’annuler les poursuites criminelles.

Toutes les associations qui existent dans l’État, tous les établissements publics sont sous son inspection et sa direction, dans l’intérêt de la paix et de sa sécurité générales. Pour que le chef de l’État puisse remplir ces obligations, il faut qu’il ait de certains revenus et des droits utiles ; il a donc le pouvoir d’établir des impôts sur les fortunes privées, sur les personnes, leur profession, leur commerce, leur produit ou leur consommation. Les ordres des fonctionnaires publics qui agissent en son nom doivent être suivis comme les siens mêmes pour tout ce qui est placé dans les limites de leurs fonctions.

Sous cette tête, toute moderne, nous allons maintenant voir apparaître un corps tout gothique ; Frédéric n’a fait que lui ôter ce qui pouvait gêner l’action de son propre pouvoir, et le tout va former un être monstrueux qui semble une transition d’une création à une autre. Dans cette production étrange, Frédéric montre autant de mépris pour la logique que de soin de sa puissance et d’envie de ne pas se créer de difficultés inutiles en attaquant ce qui était encore de force à se défendre.

Les habitants des campagnes, à l’exception de quelques districts et de quelques localités, sont placés dans une servitude héréditaire qui ne se borne pas seulement aux corvées