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pendant on maintint à ce magistrat adjudicataire de ses pouvoirs le profit qu’avaient possédé les magistrats élus. Cela changea sur-le-champ tout le caractère de l’institution. La noblesse et le clergé, au lieu d’avoir à côté d’eux et en face d’eux dans l’assemblée provinciale les représentants du peuple, n’y trouvèrent que quelques bourgeois isolés, timides et impuissants, et le tiers-état devint de plus en plus subordonné dans le gouvernement au moment même où il devenait chaque jour plus riche et plus fort dans la société. Il n’en lut pas ainsi pour le Languedoc, la province ayant toujours pris soin de racheter au roi les offices à mesure que celui-ci les établissait. L’emprunt contracté par elle pour cet objet dans la seule année de 1773 s’éleva à plus de 4 millions de livres.

D’autres causes plus puissantes avaient contribué à faire pénétrer l’esprit nouveau dans ces vieilles institutions et donnaient aux États du Languedoc une supériorité incontestée sur tous les autres.

Dans cette province, comme dans une grande partie du Midi, la taille était réelle et non personnelle, c’est-à-dire qu’elle se réglait sur la valeur de la propriété et non sur la condition du propriétaire. Il y avait, il est vrai, certaines terres qui jouissaient du privilège de ne point la payer. Ces terres avaient été autrefois celles de la noblesse ; mais, par le progrès du temps et de l’industrie, il était arrivé qu’une partie de ces biens était tombée dans les mains des roturiers  ; d’une autre part, les nobles étaient devenus propriétaires de beaucoup de biens sujets à la taille. Le privilège, transporté ainsi des