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fureur à l’Église ; ils ont attaqué son clergé, sa hiérarchie, ses institutions, ses dogmes, et, pour les mieux renverser, ils ont voulu arracher les fondements mêmes du christianisme. Mais cette portion de la philosophie du dix-huitième siècle, ayant pris naissance dans les faits que cette révolution même détruisait, devait peu à peu disparaître avec eux, et se trouver comme ensevelie dans son triomphe. Je n’ajouterai qu’un mot pour achever de me faire comprendre, car je veux reprendre ailleurs ce grand sujet : c’était bien moins comme doctrine religieuse que comme institution politique que le christianisme avait allumé ces furieuses haines, non parce que les prêtres prétendaient régler les choses de l’autre monde, mais parce qu’ils étaient propriétaires, seigneurs, décimateurs, administrateurs dans celui-ci ; non parce que l’Église ne pouvait prendre place dans la société nouvelle qu’on allait fonder, mais parce qu’elle occupait alors la place la plus privilégiée et la plus forte dans cette vieille société qu’il s’agissait de réduire en poudre.

Considérez comme la marche du temps a mis cette vérité en lumière et achève de l’y mettre tous les jours : à mesure que l’œuvre politique de la Révolution s’est consolidée, son œuvre irréligieuse s’est ruinée ; à mesure que toutes les anciennes institutions politiques qu’elle a attaquées ont été mieux détruites, que les pouvoirs, les influences, les classes qui lui étaient particulièrement odieuses ont été vaincues sans retour, et que, pour dernier signe de leur défaite, les haines mêmes qu’elles inspiraient se sont alanguies ; à mesure