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de plus noble et de plus fier dans les doctrines de la Révolution, se flattaient encore de rester fidèles à son esprit en restant indévots.

Et pourtant il est facile aujourd’hui de se convaincre que la guerre aux religions n’était qu’un incident de cette grande révolution, un trait saillant et pourtant fugitif de sa physionomie, un produit passager des idées, des passions, des faits particuliers qui l’ont précédée et préparée, et non son génie propre.

On considère avec raison la philosophie du dix-huitième siècle comme une des causes principales de la Révolution, et il est bien vrai que cette philosophie est profondément irréligieuse. Mais il faut remarquer en elle avec soin deux parts, qui sont tout à la fois distinctes et séparables.

Dans l’une se trouvent toutes les opinions nouvelles ou rajeunies qui se rapportent à la condition des sociétés et aux principes des lois civiles et politiques, telles, par exemple, que l’égalité naturelle des hommes, l’abolition de tous les privilèges de castes, de classes, de professions, qui en est une conséquence, la souveraineté du peuple, l’omnipotence du pouvoir social, l’uniformité des règles… Toutes ces doctrines ne sont pas seulement les causes de la révolution française, elles forment, pour ainsi dire, sa substance ; elles sont ce qu’il y a dans ses œuvres de plus fondamental, de plus durable, de plus vrai, quant au temps.

Dans l’autre partie de leurs doctrines, les philosophes du dix-huitième siècle s’en sont pris avec une sorte de