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choses si anciennes qui soient respectables, ni de si nouvelles qu’elles ne se puissent essayer.

Louis XVI, pendant tout le cours de son règne, ne fit que parler de réformes à faire. Il y a peu d’institutions dont il n’ait fait prévoir la ruine prochaine, avant que la Révolution ne vînt les ruiner toutes en effet. Après avoir ôté de la législation plusieurs des plus mauvaises, il les y replaça bientôt : on eût dit qu’il n’ait voulu que les déraciner, laissant à d’autres le soin de les abattre.

Parmi les réformes qu’il avait faites lui-même, quelques-unes changèrent brusquement et sans préparations suffisantes des habitudes anciennes et respectées, et violentèrent parfois des droits acquis. Elles préparèrent ainsi la Révolution bien moins encore en abattant ce qui lui faisait obstacle qu’en montrant au peuple comment on pouvait s’y prendre pour la faire. Ce qui accrut le mal fut précisément l’intention pure et désintéressée qui faisait agir le roi et ses ministres ; car il n’y a pas de plus dangereux exemple que celui de la violence exercée pour le bien et par les gens de bien.

Longtemps auparavant, Louis XIV avait enseigné publiquement dans ses édits cette théorie, que toutes les terres du royaume avaient été originairement concédées sous condition par l’État, qui devenait ainsi le seul propriétaire véritable, tandis que tous les autres n’étaient que des possesseurs dont le titre restait contestable et le droit imparfait. Cette doctrine avait pris sa source dans la législation féodale ; mais elle ne fut professée en France que dans le temps où la féodalité