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Reconnaissons d’abord que l’Église n’avait rien de plus attaquable chez nous qu’ailleurs ; les vices et les abus qu’on y avait mêlés étaient, au contraire, moindres que dans la plupart des pays catholiques ; elle était infiniment plus tolérante qu’elle ne l’avait été jusque-là et qu’elle ne l’était encore chez d’autres peuples. Aussi est-ce bien moins dans l’état de la religion que dans celui de la société qu’il faut chercher les causes particulières du phénomène.

Pour le comprendre, il ne faut jamais perdre de vue ce que j’ai dit au chapitre précédent, à savoir : que tout l’esprit d’opposition politique que faisaient naître les vices du gouvernement, ne pouvant se produire dans les affaires, s’était réfugié dans la littérature, et que les écrivains étaient devenus les véritables chefs du grand parti qui tendait à renverser toutes les institutions sociales et politiques du pays.

Ceci bien saisi, la question change d’objet. Il ne s’agit plus de savoir en quoi l’Église de ce temps-là pouvait pécher comme institution religieuse, mais en quoi elle faisait obstacle à la révolution politique qui se préparait, et devait être particulièrement gênante aux écrivains qui en étaient les principaux promoteurs.

L’Église faisait obstacle, par les principes mêmes de son gouvernement, à ceux qu’ils voulaient faire prévaloir dans le gouvernement civil. Elle s’appuyait principalement sur la tradition : ils professaient un grand mépris pour toutes les institutions qui se fondent sur le respect du passé ; elle reconnaissait une autorité su-