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CHAPITRE II


comment l’irréligion avait pu devenir une passion générale et dominante chez les français du dix-huitième siècle, et quelle sorte d’influence cela eut sur le caractère de la révolution.


Depuis la grande révolution du seizième siècle, où l’esprit d’examen avait entrepris de démêler entre les diverses traditions chrétiennes quelles étaient les fausses et les véritables, il n’avait jamais cessé de se produire des génies plus curieux ou plus hardis qui les avaient contestées ou rejetées toutes. Le même esprit qui, au temps de Luther, avait fait sortir à la fois du catholicisme plusieurs millions de catholiques, poussait isolément chaque année quelques chrétiens hors du christianisme lui-même : à l’hérésie avait succédé l’incrédulité.

On peut dire d’une manière générale qu’au dix-huitième siècle le christianisme avait perdu sur tout le continent de l’Europe une grande partie de sa puis-