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Paris, les affaires industrielles y accourent. Paris, devenant de plus en plus le modèle et l’arbitre du goût, le centre unique de la puissance et des arts, le principal foyer de l’activité nationale, la vie industrielle de la nation s’y retire et s’y concentre davantage.

Quoique les documents statistiques de l’ancien régime méritent le plus souvent peu de créance, je crois qu’on peut affirmer sans crainte que, pendant les soixante ans qui ont précédé la Révolution française, le nombre des ouvriers a plus que doublé à Paris ; tandis que, dans la même période, la population générale de la ville n’augmentait guère que d’un tiers.

Indépendamment des causes générales que je viens de dire, il y en avait de très-particulières qui, de tous les points de la France, attiraient les ouvriers vers Paris, et les aggloméraient peu à peu dans certains quartiers qu’ils finissaient par occuper presque seuls. On avait rendu moins gênantes à Paris que partout ailleurs en France les entraves que la législation fiscale du temps imposait à l’industrie ; nulle part on n’échappait plus aisément au joug des maîtrises. Certains faubourgs, tels que le faubourg Saint-Antoine et celui du Temple, jouissaient surtout, sous ce rapport, de très-grands privilèges. Louis XVI étendit encore beaucoup ces prérogatives du faubourg Saint-Antoine, et travailla de son mieux à accumuler là une immense population ouvrière, « voulant, dit ce malheureux prince dans un de ses édits, donner aux ouvriers du faubourg Saint-Antoine une nouvelle marque de notre protection et les