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tendre journellement, et il craignait qu’il ne devînt difficile de bien administrer une si grande ville. On rencontre un grand nombre d’ordonnances de nos rois, principalement dans le dix-septième et le dix-huitième siècle, qui ont pour objet d’arrêter cette croissance. Ces princes concentraient de plus en plus dans Paris ou à ses portes toute la vie publique de la France, et ils voulaient que Paris restât petit. On défend de bâtir de nouvelles maisons, ou l’on oblige de ne les bâtir que de la manière la plus coûteuse et dans les lieux peu attrayants qu’on indique à l’avance. Chacune de ces ordonnances constate, il est vrai, que, malgré la précédente, Paris n’a cessé de s’étendre. Six fois pendant son règne, Louis XIV, en sa toute-puissance, tente d’arrêter Paris et y échoue : la ville grandit sans cesse, en dépit des édits. Mais sa prépondérance s’augmente plus vite encore que ses murailles ; ce qui la lui assure, c’est moins ce qui se passe dans son enceinte que ce qui arrive au dehors.

Dans le même temps, en effet, on voyait partout les libertés locales disparaître de plus en plus. Partout les symptômes d’une vie indépendante cessaient ; les traits mêmes de la physionomie des différentes provinces devenaient confus ; la dernière trace de l’ancienne vie publique était effacée. Ce n’était pas pourtant que la nation tombât en langueur : le mouvement y était, au contraire, partout ; seulement, le moteur n’était plus qu’à Paris. Je ne donnerai qu’un exemple de ceci entre mille. Je trouve dans les rapports faits au ministre sur