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savante. Elle s’est modérée en achevant de s’emparer de tout ; elle opprime moins, elle conduit davantage.

Les premiers efforts de la Révolution avaient détruit cette grande institution de la monarchie ; elle fut restaurée en 1800. Ce ne sont pas, comme on l’a dit tant de fois, les principes de 1789 en matière d’administration qui ont triomphé à cette époque et depuis, mais bien au contraire ceux de l’ancien régime qui furent tous remis alors en vigueur et y demeurèrent.

Si l’on me demande comment cette portion de l’ancien régime a pu être ainsi transportée tout d’une pièce dans la société nouvelle et s’y incorporer, je répondrai que, si la centralisation n’a point péri dans la Révolution, c’est qu’elle était elle-même le commencement de cette révolution et son signe ; et j’ajouterai que, quand un peuple a détruit dans son sein l’aristocratie, il court vers la centralisation comme de lui-même. Il faut alors bien moins d’efforts pour le précipiter sur cette pente que pour l’y retenir. Dans son sein tous les pouvoirs tendent naturellement vers l’unité, et ce n’est qu’avec beaucoup d’art qu’on peut parvenir à les tenir divisés.

La révolution démocratique, qui a détruit tant d’institutions de l’ancien régime, devait donc consolider celle-ci, et la centralisation trouvait si naturellement sa place dans la société que cette révolution avait formée, qu’on a pu aisément la prendre pour une de ses œuvres.