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espèce. Peu à peu l’exception se généralise, le fait se transforme en théorie. Il s’établit, non dans les lois, mais dans l’esprit de ceux qui les appliquent, comme maxime d’État, que tous les procès dans lesquels un intérêt public est mêlé, ou qui naissent de l’interprétation d’un acte administratif, ne sont point du ressort des juges ordinaires, dont le seul rôle est de prononcer entre des intérêts particuliers. En cette matière, nous n’avons fait que trouver la formule : à l’ancien régime appartient l’idée.

Dès ce temps-là, la plupart des questions litigieuses qui s’élèvent à propos de la perception de l’impôt sont de la compétence exclusive de l’intendant et du conseil. Il en est de même pour tout ce qui se rapporte à la police du roulage et des voitures publiques, à la grande voirie, à la navigation des fleuves, etc. ; en général, c’est devant des tribunaux administratifs que se vident tous les procès dans lesquels l’autorité publique est intéressée.

Les intendants veillent avec grand soin à ce que cette juridiction exceptionnelle s’étende sans cesse ; ils avertissent le contrôleur-général et aiguillonnent le conseil. La raison que donne un de ces magistrats pour obtenir une évocation mérite d’être conservée : « Le juge ordinaire, dit-il, est soumis à des règles fixes, qui l’obligent de réprimer un fait contraire à la loi ; mais le conseil peut toujours déroger aux règles dans un but utile. »

D’après ce principe, on voit souvent l’intendant ou le