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INFLUENCE DE LA DÉMOCRATIE

Les peuples religieux et les nations industrielles se font une idée particulièrement grave du mariage. Les uns considèrent la régularité de la vie d’une femme comme la meilleure garantie et le signe le plus certain de la pureté de ses mœurs. Les autres y voient le gage assuré de l’ordre et de la prospérité de la maison.

Les Américains forment tout à la fois une nation puritaine, et un peuple commerçant ; leurs croyances religieuses aussi bien que leurs habitudes industrielles les portent donc à exiger de la femme une abnégation d’elle-même et un sacrifice continuel de ses plaisirs à ses affaires, qu’il est rare de lui demander en Europe. Ainsi, il règne aux États-Unis une opinion publique inexorable, qui renferme avec soin la femme dans le petit cercle des intérêts et des devoirs domestiques, et qui lui défend d’en sortir.

A son entrée dans le monde, la jeune Américaine trouve ces notions fermement établies ; elle voit les règles qui en découlent ; elle ne tarde pas à se convaincre qu’elle ne saurait se soustraire un moment aux usages de ses contemporains, sans mettre aussitôt en péril sa tranquillité, son honneur, et jusqu’à son existence sociale, et elle trouve dans la fermeté de sa raison et dans les habitudes viriles que son éducation lui a données, l’énergie de s’y soumettre.