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INFLUENCE DE LA DÉMOCRATIE

être attribué, bien moins aux institutions du pays, qu’au pays lui-même. En Amérique, la terre coûte peu, et chacun devient aisément propriétaire. Elle donne peu, et ses produits ne sauraient qu’avec peine se diviser entre un propriétaire et un fermier.

L’Amérique est donc unique en ceci comme en d’autres choses ; et ce serait errer que de la prendre pour exemple.

Je pense que dans les pays démocratiques aussi bien que dans les aristocraties, il se rencontrera des propriétaires et des fermiers ; mais les propriétaires et les fermiers n’y seront pas liés de la même manière.

Dans les aristocraties, les fermages ne s’acquittent pas seulement en argent, mais en respect, en affection et en services. Dans les pays démocratiques, ils ne se payent qu’en argent. Quand les patrimoines se divisent et changent de mains, et que la relation permanente qui existait entre les familles et la terre disparaît, ce n’est plus qu’un hasard qui met en contact le propriétaire et le fermier. Ils se joignent un moment pour débattre les conditions du contrat, et se perdent ensuite de vue. Ce sont deux étrangers que l’intérêt rapproche et qui discutent rigoureusement entre eux une affaire, dont le seul sujet est l’argent.