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APPENDICE.

coup mieux constitué, et pourvu d’une organisation plus savante, n’y aurait pas réussi. L’effet de la révolution démocratique qui s’opère en Suisse est de faire prévaloir successivement dans tous les cantons certaines institutions, certaines maximes de gouvernement, certaines idées semblables ; si la révolution démocratique augmente l’esprit d’indépendance des cantons vis-à-vis du pouvoir central, elle facilite, d’un autre côté, l’action de ce pouvoir ; elle supprime, en grande partie, les causes de résistance, et, sans donner aux gouvernements cantonaux plus d’envie d’obéir au gouvernement fédéral, elle leur rend l’obéissance à ses volontés infiniment plus aisée.

Il est nécessaire d’étudier avec grand soin les deux effets contraires que je viens de décrire, pour comprendre l’état présent et prévoir l’état prochain du pays.

C’est en ne faisant attention qu’à l’une de ces deux tendances qu’on est induit à croire que l’avènement de la démocratie dans les gouvernements cantonaux aura pour effet immédiat et pour résultat facile d’étendre législativement la sphère du gouvernement fédéral, de concentrer dans ses mains la direction habituelle des affaires locales ; en un mot, de modifier, dans le sens de la centralisation, toute l’économie du pacte. Je suis convaincu, pour ma part, qu’une telle révolution rencontrera encore, pendant longtemps, plus d’obstacles qu’on ne le suppose. Les gouvernements cantonaux d’aujourd’hui ne montreront pas beaucoup plus de goût que leurs prédécesseurs pour une révolution de cette espèce, et ils feront tout ce qu’ils pourront pour s’y soustraire.

Je pense toutefois que, malgré ces résistances, le gouvernement fédéral est destiné à prendre de jour en jour plus de pouvoir en cela. Les circonstances le serviront