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APPENDICE.

tion de capacité exigées. Le juge, d’ailleurs, simple exécuteur de la loi, n’a pas le droit de rechercher si cette loi est conforme à la constitution. À vrai dire, c’est la majorité elle-même qui juge par l’organe des magistrats.

En Suisse, d’ailleurs, le pouvoir judiciaire eût-il reçu de la loi l’indépendance et les droits qui lui sont nécessaires, le pouvoir aurait encore de la peine à jouer son rôle, car la justice est une puissance de tradition et d’opinion qui a besoin de s’appuyer sur des idées et des mœurs judiciaires.

Je pourrais aisément faire ressortir les défauts qui se rencontrent dans les institutions que je viens de décrire, et prouver qu’elles tendent toutes à rendre le gouvernement du peuple irrégulier dans sa marche, précipité dans ses résolutions et tyrannique dans ses actes. Mais cela me mènerait trop loin. Je me bornerai à mettre en regard de ces lois celles que s’est données une société démocratique plus ancienne, plus paisible et plus prospère. M. Cherbuliez pense que les institutions imparfaites que possèdent les cantons suisses, sont les seules que la démocratie puisse suggérer ou veuille souffrir. La comparaison que je vais faire prouvera le contraire, et montrera comment, du principe de la souveraineté du peuple on a pu tirer ailleurs, avec plus d’expérience, plus d’art et plus de sagesse, des conséquences différentes. Je prendrai pour exemple l’état de New-York, qui contient lui seul autant d’habitants que la Suisse entière.

Dans l’état de New-York, comme dans les cantons suisses, le principe du gouvernement est la souveraineté du peuple, mise en action par le suffrage universel. Mais le peuple n’exerce sa souveraineté qu’un seul jour, par le choix de ses délégués. Il ne retient habituellement pour