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INFLUENCE DES IDÉES DÉMOCRATIQUES

de l’aristocratie ; de telle sorte que le pouvoir social, étant toujours divisé, ne pesait jamais tout entier et de la même manière sur chaque homme.

Non seulement le souverain ne faisait pas tout par lui-même, mais la plupart des fonctionnaires qui agissaient à sa place, tirant leur pouvoir du fait de leur naissance, et non de lui, n’étaient pas sans cesse dans sa main. Il ne pouvait les créer ou les détruire à chaque instant, suivant ses caprices, et les plier tous uniformément à ses moindres volontés. Cela garantissait encore l’indépendance des particuliers.

Je comprends bien que de nos jours on ne saurait avoir recours au même moyen ; mais je vois des procédés démocratiques qui les remplacent.

Au lieu de remettre au souverain seul tous les pouvoirs administratifs, qu’on enlève à des corporations ou à des nobles, on peut en confier une partie à des corps secondaires temporairement formés de simples citoyens ; de cette manière, la liberté des particuliers sera plus sûre, sans que leur égalité soit moindre.

Les Américains, qui ne tiennent pas autant que nous aux mots, ont conservé le nom de comté à la plus grande de leurs circonscriptions administratives ; mais ils ont remplacé en partie le comte par une assemblée provinciale.