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INFLUENCE DES IDÉES DÉMOCRATIQUES

Les hommes qui vivent dans les siècles d’égalité aiment naturellement le pouvoir central et étendent volontiers ses privilèges ; mais s’il arrive que ce même pouvoir représente fidèlement leurs intérêts et reproduise exactement leurs instincts, la confiance qu’ils lui portent n’a presque point de bornes, et ils croient accorder à eux-mêmes tout ce qu’ils lui donnent.

L’attraction des pouvoirs administratifs vers le centre sera toujours moins aisée et moins rapide avec des rois qui tiennent encore par quelque endroit à l’ancien ordre aristocratique, qu’avec des princes nouveaux, fils de leurs œuvres, que leur naissance, leurs préjugés, leurs instincts, leurs habitudes, semblent lier indissolublement à la cause de l’égalité. Je ne veux point dire que les princes d’origine aristocratique qui vivent dans les siècles de démocratie ne cherchent point à centraliser. Je crois qu’ils s’y emploient aussi diligemment que tous les autres. Pour eux, les seuls avantages de l’égalité sont de ce côté ; mais leurs facilités sont moindres, parce que les citoyens, au lieu d’aller naturellement au-devant de leurs désirs, ne s’y prêtent souvent qu’avec peine. Dans les sociétés démocratiques, la centralisation sera toujours d’autant plus grande que le souverain sera moins aristocratique : voilà la règle.

Quand une vieille race de rois dirige une aris-