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SUR LES MOEURS PROPREMENT DITES.

très-petit nombre parmi ses amis et ses hôtes.

Cela me semble très-naturel. À mesure que le cercle de la société publique s’agrandit, il faut s’attendre à ce que la sphère des relations privées se resserre : au lieu d’imaginer que les citoyens des sociétés nouvelles vont finir par vivre en commun, je crains bien qu’ils n’arrivent enfin à ne plus former que de très-petites coteries.

Chez les peuples aristocratiques, les différentes classes sont comme de vastes enceintes, d’où l’on ne peut sortir et où l’on ne saurait entrer. Les classes ne se communiquent point entre elles ; mais, dans l’intérieur de chacune d’elles, les hommes se pratiquent forcément tous les jours. Lors même que naturellement ils ne se conviendraient point, la convenance générale d’une même condition les rapproche.

Mais lorsque ni la loi ni la coutume ne se chargent d’établir des relations fréquentes et habituelles entre certains hommes, la ressemblance accidentelle des opinions et des penchants en décide. Ce qui varie les sociétés particulières à l’infini.

Dans les démocraties, où les citoyens ne diffèrent jamais beaucoup les uns les autres, et se trouvent naturellement si proches qu’à chaque instant il peut leur arriver de se confondre tous dans une masse commune, il se crée une multi-