Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/104

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
101
SUR LES MOEURS PROPREMENT DITES.

réclamer bruyamment les droits de la femme, en foulant aux pieds ses plus saints devoirs.

On a remarqué souvent qu’en Europe un certain mépris se découvre au milieu même des flatteries que les hommes prodiguent aux femmes : bien que l’Européen se fasse souvent l’esclave de la femme, on voit qu’il ne la croit jamais sincèrement son égale.

Aux États-Unis, on ne loue guère les femmes ; mais on montre chaque jour qu’on les estime.

Les Américains font voir sans cesse une pleine confiance dans la raison de leur compagne, et un respect profond pour sa liberté. Ils jugent que son esprit est aussi capable que celui de l’homme de découvrir la vérité toute nue, et son cœur assez ferme pour la suivre ; et ils n’ont jamais cherché à mettre la vertu de l’un plus que celle de l’autre à l’abri des préjugés, de l’ignorance ou de la peur.

Il semble qu’en Europe, où l’on se soumet si aisément à l’empire despotique des femmes, on leur refuse cependant quelques-uns des plus grands attributs de l’espèce humaine, et qu’on les considère comme des êtres séduisants et incomplets ; et, ce dont on ne saurait trop s’étonner, c’est que les femmes elles-mêmes finissent par se voir sous le même jour, et qu’elles ne sont pas éloignées de considérer comme un privilège la faculté qu’on