Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 3.djvu/79

Cette page a été validée par deux contributeurs.
70
INFLUENCE DE LA DÉMOCRATIE

comme tout ce qui doit servir aux besoins de l’homme.

En tête des nations éclairées de l’ancien monde, les habitants des États-Unis en distinguaient particulièrement une à laquelle les unissaient étroitement une origine commune et des habitudes analogues. Ils trouvaient chez ce peuple des savants célèbres, d’habiles artistes, de grands écrivains, et ils pouvaient recueillir les trésors de l’intelligence, sans avoir besoin de travailler à les amasser.

Je ne puis consentir à séparer l’Amérique de l’Europe, malgré l’Océan qui les divise. Je considère le peuple des États-Unis comme la portion du peuple anglais chargée d’exploiter les forêts du Nouveau-Monde ; tandis que le reste de la nation, pourvu de plus de loisirs et moins préoccupé des soins matériels de la vie, peut se livrer à la pensée et développer en tous sens l’esprit humain.

La situation des Américains est donc entièrement exceptionnelle, et il est à croire qu’aucun peuple démocratique n’y sera jamais placé. Leur origine toute puritaine, leurs habitudes uniquement commerciales, le pays même qu’ils habitent et qui semble détourner leur intelligence de l’étude des sciences, des lettres et des arts ; le voisinage de l’Europe qui leur permet de ne point les étudier sans retomber dans la barbarie ; mille causes particulières, dont je n’ai pu faire connaître que les