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INFLUENCE DE LA DÉMOCRATIE

voisins les Français, et pourquoi les Anglais de nos jours en montrent plus que ne l’avaient fait leurs pères.

Les Anglais ont été longtemps un peuple très-éclairé et en même temps très-aristocratique ; leurs lumières les faisaient tendre sans cesse vers des idées très générales, et leurs habitudes aristocratiques les retenaient dans des idées très-particulières. De là, cette philosophie, tout à la fois audacieuse et timide, large et étroite, qui à dominé jusqu’ici en Angleterre, et qui y tient encore tant d’esprits resserrés et immobiles.

Indépendamment des causes que j’ai montrées plus haut, on en rencontre d’autres encore, moins apparentes, mais non moins efficaces, qui produisent chez presque tous les peuples démocratiques le goût et souvent la passion des idées générales.

Il faut bien distinguer entre ces sortes d’idées. Il y en a qui sont le produit d’un travail lent, détaillé, consciencieux, de l’intelligence, et celles-là élargissent la sphère des connaissances humaines.

Il y en a d’autres qui naissent aisément d’un premier effort rapide de l’esprit, et qui n’amènent que des notions très-superficielles et très-incertaines.

Les hommes qui vivent dans les siècles d’égalité ont beaucoup de curiosité et peu de loisir ; leur vie est si pratique, si compliquée, si agitée,