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SUR LE MOUVEMENT INTELLECTUEL.

on n’en voit point dont la volonté dirige d’une façon permanente les mouvements de la foule ; dans ces temps, l’humanité semble toujours marcher d’elle-même. Pour expliquer ce qui se passe dans le monde, on en est donc réduit à rechercher quelques grandes causes, qui, agissant de la même manière sur chacun de nos semblables, les portent ainsi à suivre tous volontairement une même route. Cela conduit encore naturellement l’esprit humain à concevoir des idées générales et l’amène à en contracter le goût.

J’ai montré précédemment comment l’égalité des conditions portait chacun à chercher la vérité par soi-même. Il est facile de voir qu’une pareille méthode doit insensiblement faire tendre l’esprit humain vers les idées générales. Lorsque je répudie les traditions de classe, de profession et de famille, que j’échappe à l’empire de l’exemple pour chercher, par le seul effort de ma raison, la voie à suivre, je suis enclin à puiser les motifs de mes opinions dans la nature même de l’homme, ce qui me conduit nécessairement et presque à mon insu, vers un grand nombre de notions très générales.

Tout ce qui précède achève d’expliquer pourquoi les Anglais montrent beaucoup moins d’aptitude et de goût pour la généralisation des idées que leurs fils les Américains et surtout que leurs