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SUR LE MOUVEMENT INTELLECTUEL.

discussion des affaires, et le dispose à n’en pas rechercher avec trop d’ardeur un médiocre.

En Amérique, il arrive d’ordinaire que le député n’est quelque chose que par sa position dans l’assemblée. Il est donc sans cesse tourmenté du besoin d’y acquérir de l’importance, et il sent un désir pétulant d’y mettre à tout moment ses idées au grand jour.

Il n’est pas seulement poussé de ce côté par sa vanité, mais par celle de ses électeurs et par la nécessité continuelle de leur plaire.

Chez les peuples aristocratiques, le membre de la législature est rarement dans une dépendance étroite des électeurs ; souvent il est pour eux un représentant en quelque façon nécessaire ; quelquefois il les tient eux-mêmes dans une étroite dépendance, et s’ils viennent enfin à lui refuser leur suffrage, il se fait aisément nommer ailleurs, ou, renonçant à la carrière publique, il se renferme dans une oisiveté qui a encore de la splendeur.

Dans un pays démocratique, comme les États-Unis, le député n’a presque jamais de prise durable sur l’esprit de ses électeurs. Quelque petit que soit un corps électoral, l’instabilité démocratique fait qu’il change sans cesse de face. Il faut donc le captiver tous les jours.

Il n’est jamais sûr d’eux ; et, s’ils l’abandonnent,