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INFLUENCE DE LA DÉMOCRATIE

tions vives du cœur. Ils ne s’attendent point à y trouver une œuvre de littérature, mais un spectacle, et, pourvu que l’auteur parle assez correctement la langue du pays pour se faire entendre, et que ses personnages excitent la curiosité et éveillent la sympathie, ils sont contents ; sans rien demander de plus à la fiction, ils rentrent aussitôt dans le monde réel. Le style y est donc moins nécessaire ; car, à la scène, l’observation de ces règles échappe davantage.

Quant aux vraisemblances, il est impossible d’être souvent nouveau, inattendu, rapide en leur restant fidèle. On les néglige donc et le public le pardonne. On peut compter qu’il ne s’inquiétera point des chemins par où vous l’avez conduit, si vous l’amenez enfin devant un objet qui le touche. Il ne vous reprochera jamais de l’avoir ému en dépit des règles.

Les Américains mettent au grand jour les différents instincts que je viens de peindre, quand ils vont au théâtre. Mais il faut reconnaître qu’il n’y a encore qu’un petit nombre d’entre eux qui y aillent. Quoique les spectateurs et les spectacles se soient prodigieusement accrus depuis quarante ans aux États-Unis, la population ne se livre encore à ce genre d’amusement qu’avec une extrême retenue.

Cela tient à des causes particulières, que le lec-