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DU GOUVERNEMENT DE LA DÉMOCRATIE.

de la nation dans les mains du président et du sénat[1], ce qui place jusqu’à un certain point la politique générale de l’Union hors de l’influence directe et journalière du peuple. On ne peut donc pas dire d’une manière absolue que ce soit la démocratie qui, en Amérique, conduise les affaires extérieures de l’État.

Il y a deux hommes qui ont imprimé à la politique des Américains une direction qu’on suit encore de nos jours ; le premier est Washington, et Jefferson est le second.

Washington disait, dans cette admirable lettre adressée à ses concitoyens, et qui forme comme le testament politique de ce grand homme :

« Étendre nos relations commerciales avec les peuples étrangers, et établir aussi peu de liens politiques que possible entre eux et nous, telle doit être la règle de notre politique. Nous devons remplir avec fidélité les engagements déjà contractés, mais il faut nous garder d’en former d’autres.

« L’Europe a un certain nombre d’intérêts qui lui sont propres et qui n’ont pas de rapport, ou qui n’ont qu’un rapport très indirect avec les nôtres ; elle doit donc se trouver fréquemment engagée dans des querelles qui nous sont naturellement étrangères ; nous attacher par des liens artificiels aux vicissitudes de sa politique, entrer dans les différentes

  1. « Le président, dit la constitution, art. ii, sect. 2, § 2, fera les « traités de l’avis et avec le consentement du sénat. » Le lecteur ne doit pas perdre de vue que le mandat des sénateurs dure six ans, et qu’étant choisis par les législateurs de chaque État, ils sont le produit d’une élection à deux degrés.