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DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE.

ties, les hommes d’État sont pauvres et ont leur fortune à faire.

Il s’ensuit que, dans les États aristocratiques, les gouvernants sont peu accessibles à la corruption et n’ont qu’un goût très modéré pour l’argent, tandis que le contraire arrive chez les peuples démocratiques.

Mais, dans les aristocraties, ceux qui veulent arriver à la tête des affaires disposant de grandes richesses, et le nombre de ceux qui peuvent les y faire parvenir étant souvent circonscrit entre certaines limites, le gouvernement se trouve en quelque sorte à l’enchère. Dans les démocraties, au contraire, ceux qui briguent le pouvoir ne sont presque jamais riches, et le nombre de ceux qui concourent à le donner est très grand. Peut-être dans les démocraties n’y a-t-il pas moins d’hommes à vendre, mais on n’y trouve presque point d’acheteurs ; et, d’ailleurs, il faudrait acheter trop de monde à la fois pour atteindre le but.

Parmi les hommes qui ont occupé le pouvoir en France depuis quarante ans, plusieurs ont été accusés d’avoir fait fortune aux dépens de l’État et de ses alliés ; reproche qui a été rarement adressé aux hommes publics de l’ancienne monarchie. Mais, en France, il est presque sans exemple qu’on achète le vote d’un électeur à prix d’argent, tandis que la chose se fait notoirement et publiquement en Angleterre.

Je n’ai jamais ouï dire qu’aux États-Unis on employât ses richesses à gagner les gouvernés ; mais souvent j’ai vu mettre en doute la probité des fonctionnaires publics. Plus souvent encore j’ai entendu