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DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE.

fédéral est fort ; il passera énervé à son successeur.

Ou je me trompe étrangement, ou le gouvernement fédéral des États-Unis tend chaque jour à s’affaiblir ; il se retire successivement des affaires, il resserre de plus en plus le cercle de son action. Naturellement faible, il abandonne même les apparences de la force. D’une autre part, j’ai cru voir qu’aux États-Unis le sentiment de l’indépendance devenait de plus en plus vif dans les États, l’amour du gouvernement provincial de plus en plus prononcé.

On veut l’Union ; mais réduite à une ombre : on la veut forte en certains cas et faible dans tous les autres ; on prétend qu’en temps de guerre elle puisse réunir dans ses mains les forces nationales et toutes les ressources du pays, et qu’en temps de paix elle n’existe pour ainsi dire point ; comme si cette alternative de débilité et de vigueur était dans la nature.

Je ne vois rien qui puisse, quant à présent, arrêter ce mouvement général des esprits ; les causes qui l’ont fait naître ne cessent point d’opérer dans le même sens. Il se continuera donc, et l’on peut prédire que, s’il ne survient pas quelque circonstance extraordinaire, le gouvernement de l’Union ira chaque jour s’affaiblissant.

Je crois cependant que nous sommes encore loin du temps où le pouvoir fédéral, incapable de protéger sa propre existence et de donner la paix au pays, s’éteindra en quelque sorte de lui-même. L’Union est dans les mœurs, on la désire ; ses résultats sont vidents, ses bienfaits visibles. Quand on s’apercevra que la faiblesse du gouvernement fédéral compromet l’existence de l’Union, je ne doute point qu’on