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DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE.

Loin de tenir compte de ces murmures, le congrès, dans les années 1824 et 1828, éleva encore les droits du tarif et en consacra de nouveau le principe.

Alors on produisit, ou plutôt on rappela au Sud une doctrine célèbre qui prit le nom de nullification.

J’ai montré en son lieu que le but de la constitution fédérale n’a point été d’établir une ligue, mais de créer un gouvernement national. Les Américains des États-Unis, dans tous les cas prévus par leur constitution, ne forment qu’un seul et même peuple. Sur tous ces points-là, la volonté nationale s’exprime, comme chez tous les peuples constitutionnels, à l’aide d’une majorité. Une fois que la majorité a parlé, le devoir de la minorité est de se soumettre.

Telle est la doctrine légale, la seule qui soit d’accord avec le texte de la Constitution et l’intention connue de ceux qui l’établirent.

Les nullificateurs du Sud prétendent au contraire que les Américains, en s’unissant, n’ont point entendu se fondre dans un seul et même peuple, mais qu’ils ont seulement voulu former une ligue de peuples indépendants ; d’où il suit que chaque État ayant conservé sa souveraineté complète, sinon en action du moins en principe, a le droit d’interpréter les lois du Congrès, et de suspendre dans son sein l’exécution de celles qui lui semblent opposées à la constitution ou à la justice.

Toute la doctrine de la nullification se trouve résumée dans une phrase prononcée en 1833 devant le sénat des États-Unis par M. Calhoun, le chef avoué des nullificateurs du Sud :

« La Constitution, dit-il, est un contrat dans lequel