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DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE.

L’Américain du Nord est plus actif, plus raisonnable, plus éclairé et plus habile.

L’un a les goûts, les préjugés, les faiblesses et la grandeur de toutes les aristocraties.

L’autre, les qualités et les défauts qui caractérisent la classe moyenne.

Réunissez deux hommes en société, donnez à ces deux hommes les mêmes intérêts et en partie les mêmes opinions ; si leur caractère, leurs lumières et leur civilisation diffèrent, il y a beaucoup de chances pour qu’ils ne s’accordent pas. La même remarque est applicable à une société de nations.

L’esclavage n’attaque donc pas directement la confédération américaine par les intérêts, mais indirectement par les mœurs.

Les États qui adhérèrent au pacte fédéral en 1790 étaient au nombre de treize ; la confédération en compte vingt-quatre aujourd’hui. La population qui se montait à près de quatre millions en 1790, avait quadruplé dans l’espace de quarante ans ; elle s’élevait en 1830 à près de treize millions[1].

De pareils changements ne peuvent s’opérer sans danger.

Pour une société de nations comme pour une société d’individus, il y a trois chances principales de durée : la sagesse des sociétaires, leur faiblesse individuelle, et leur petit nombre.

Les Américains qui s’éloignent des bords de l’océan Atlantique pour s’enfoncer dans l’Ouest sont des

  1. Recensement de 1790, 3,929,328.
     de 1830, 12,856,165.