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DE LA LIBERTÉ DE LA PRESSE AUX ÉTATS-UNIS.

tour comparaître devant le tribunal de l’opinion. C’est elle qui rallie les intérêts autour de certaines doctrines et formule le symbole des partis ; C’est par elle que ceux-ci se parlent sans se voir, s’entendent sans être mis en contact. Lorsqu’un grand nombre des organes de la presse parvient à marcher dans la même voie, leur influence à la longue devient presque irrésistible, et l’opinion publique, frappée toujours du même côté, finit par céder sous leurs coups.

Aux États-Unis, chaque journal a individuellement peu de pouvoir ; mais la presse périodique est encore, après le peuple, la première des puissances (A).



Que les opinions qui s’établissent sous l’empire de la liberté de la presse aux États-Unis sont souvent plus tenaces que celles qui se forment ailleurs sous l’empire de la censure.


Aux États-Unis, la démocratie amène sans cesse des hommes nouveaux à la direction des affaires ; le gouvernement met donc peu de suite et d’ordre dans ses mesures. Mais les principes généraux du gouvernement y sont plus stables que dans beaucoup d’autres pays, et les opinions principales qui règlent la société s’y montrent plus durables. Quand une idée a pris possession de l’esprit du peuple américain, qu’elle soit juste ou déraisonnable, rien n’est plus difficile que de l’en extirper.

Le même fait a été observé en Angleterre, le pays de l’Europe où l’on a vu pendant un siècle la liberté la plus grande de penser et les préjugés les plus invincibles.