Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 2.djvu/203

Cette page a été validée par deux contributeurs.
200
DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE.

fit des prosélytes : l’on rencontre aujourd’hui dans l’Union plus d’un million de chrétiens qui professent les vérités de l’Église romaine.

Ces catholiques montrent une grande fidélité dans les pratiques de leur culte, et sont pleins d’ardeur et de zèle pour leurs croyances ; cependant ils forment la classe la plus républicaine et la plus démocratique qui soit aux États-Unis. Ce fait surprend au premier abord, mais la réflexion en découvre aisément les causes cachées.

Je pense qu’on a tort de regarder la religion catholique comme un ennemi naturel de la démocratie. Parmi les différentes doctrines chrétiennes, le catholicisme me paraît au contraire l’une des plus favorables à l’égalité des conditions. Chez les catholiques, la société religieuse ne se compose que de deux éléments : le prêtre et le peuple. Le prêtre s’élève seul au-dessus des fidèles : tout est égal au-dessous de lui.

En matière de dogmes, le catholicisme place le même niveau sur toutes les intelligences ; il astreint aux détails des mêmes croyances le savant ainsi que l’ignorant, l’homme de génie aussi bien que le vulgaire ; il impose les mêmes pratiques au riche comme au pauvre, inflige les mêmes austérités au puissant comme au faible ; il ne compose avec aucun mortel, et appliquant à chacun des humains la même mesure, il aime à confondre toutes les classes de la société au pied du même autel, comme elles sont confondues aux yeux de Dieu.

Si le catholicisme dispose les fidèles à l’obéissance, il ne les prépare donc pas à l’inégalité. Je dirai le contraire du protestantisme qui, en général, porte les