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DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE.

tendre tout gouvernement ; c’est le but que se proposent les hommes en se réunissant. Les peuples ont fait et feront toujours des efforts vers ce but, jusqu’à ce qu’ils aient réussi à l’atteindre, ou qu’ils aient perdu leur liberté.

« S’il existait une société dans laquelle le parti le plus puissant fût en état de réunir facilement ses forces et d’opprimer le plus faible, on pourrait considérer que l’anarchie règne dans une pareille société aussi bien que dans l’état de nature, où l’individu le plus faible n’a aucune garantie contre la violence du plus fort ; et de même que dans l’état de nature, les inconvénients d’un sort incertain et précaire décident les plus forts à se soumettre à un gouvernement qui protège les faibles ainsi qu’eux-mêmes ; dans un gouvernement anarchique, les mêmes motifs conduiront peu à peu les partis les plus puissants à désirer un gouvernement qui puisse protéger également tous les partis, le fort et le faible. Si l’État de Rhode-Island était séparé de la Confédération et livré à un gouvernement populaire, exercé souverainement dans d’étroites limites, on ne saurait douter que la tyrannie des majorités n’y rendît l’exercice des droits tellement incertain, qu’on n’en vînt à réclamer un pouvoir entièrement indépendant du peuple. Les factions elles-mêmes, qui l’auraient rendu nécessaire, se hâteraient d’en appeler à lui. »

Jefferson disait aussi : « Le pouvoir exécutif, dans notre gouvernement, n’est pas le seul, il n’est peut-être pas le principal objet de ma sollicitude. La tyrannie des législateurs est actuellement, et sera