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DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE.

L’omnipotence de la majorité et la manière rapide et absolue dont ses volontés s’exécutent aux États-Unis ne rend pas seulement la loi instable, elle exerce encore la même influence sur l’exécution de la loi et sur l’action de l’administration publique.

La majorité étant la seule puissance à laquelle il soit important de plaire, on concourt avec ardeur aux œuvres qu’elle entreprend ; mais du moment où son attention se porte ailleurs, tous les efforts cessent ; tandis que dans les États libres de l’Europe, où le pouvoir administratif a une existence indépendante et une position assurée, les volontés du législateur continuent à s’exécuter, alors même qu’il s’occupe d’autres objets.

En Amérique, on apporte à certaines améliorations beaucoup plus de zèle et d’activité qu’on ne le fait ailleurs.

En Europe, on emploie à ces mêmes choses une force sociale infiniment moins grande, mais plus continue.

Quelques hommes religieux entreprirent, il y a plusieurs années, d’améliorer l’état des prisons. Le public s’émut à leur voix, et la régénération des criminels devint une œuvre populaire.

De nouvelles prisons s’élevèrent alors. Pour la première fois, l’idée de la réforme du coupable pénétra dans un cachot en même temps que l’idée du châti-

    lumes. Encore faut-il remarquer que le recueil dont je parle a été révisé en 1823, et qu’on en a écarté beaucoup de lois anciennes ou devenues sans objet. Or l’État de Massachusetts, qui n’est pas plus peuplé qu’un de nos départements, peut passer pour le plus stable de toute l’Union, et celui qui met le plus de suite et de sagesse dans ses entreprises.