Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 2.djvu/125

Cette page a été validée par deux contributeurs.
122
DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE.

Autour de vous, tout se remue : ici, le peuple d’un quartier est réuni pour savoir si l’on doit bâtir une église ; là, on travaille au choix d’un représentant ; plus loin, les députés d’un canton se rendent en toute hâte à la ville, afin d’aviser à certaines améliorations locales ; dans un autre endroit, ce sont les cultivateurs d’un village qui abandonnent leurs sillons pour aller discuter le plan d’une route ou d’une école. Des citoyens s’assemblent, dans le seul but de déclarer qu’ils désapprouvent la marche du gouvernement; tandis que d’autres se réunissent afin de proclamer que les hommes en place sont les pères de la patrie. En voici d’autres encore qui, regardant l’ivrognerie comme la source principale des maux de l’État, viennent s’engager solennellement à donner l’exemple de la tempérance[1].

Le grand mouvement politique qui agite sans cesse les législatures américaines, le seul dont on s’aperçoive au-dehors, n’est qu’un épisode et une sorte de prolongement de ce mouvement universel qui commence dans les derniers rangs du peuple, et gagne ensuite, de proche en proche, toutes les classes des citoyens. On ne saurait travailler plus laborieusement à être heureux.

Il est difficile de dire quelle place occupent les soins de la politique dans la vie d’un homme aux États-Unis. Se mêler du gouvernement de la société

  1. Les sociétés de tempérance sont des associations dont les membres s’engagent à s’abstenir de liqueurs fortes. À mon passage aux États-Unis, les sociétés de tempérance comptaient déjà plus de 270,000 membres, et leur effet avait été de diminuer, dans le seul État de Pensylvanie, la consommation des liqueurs fortes de 500,000 gallons par année.