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DU POINT DE DÉPART.


RAISONS DE QUELQUES SINGULARITÉS QUE PRÉSENTENT LES LOIS ET LES COUTUMES DES ANGLO-AMÉRICAINS.


Quelques restes d’institutions aristocratiques au sein de la plus complète démocratie. — Pourquoi ? il faut distinguer avec soin ce qui est d’origine puritaine et d’origine anglaise.


Il ne faut pas que le lecteur tire des conséquences trop générales et trop absolues de ce qui précède. La condition sociale, la religion et les mœurs des premiers émigrants ont exercé sans doute une immense influence sur le destin de leur nouvelle patrie. Toutefois, il n’a pas dépendu d’eux de fonder une société dont le point de départ ne se trouvât placé qu’en eux-mêmes ; nul ne saurait se dégager entièrement du passé ; il leur est arrivé de mêler, soit volontairement, soit à leur insu, aux idées et aux usages qui leur étaient propres, d’autres usages et d’autres idées qu’ils tenaient de leur éducation ou des traditions nationales de leur pays.

Lorsqu’on veut connaître et juger les Anglo-Américains de nos jours, on doit donc distinguer avec soin ce qui est d’origine puritaine ou d’origine anglaise.

On rencontre souvent aux États-Unis des lois ou des coutumes qui font contraste avec tout ce qui les environne. Ces lois paraissent rédigées dans un esprit opposé à l’esprit dominant de la législation américaine ; ces mœurs semblent contraires à l’ensemble de l’état social. Si les colonies anglaises avaient été fondées dans un siècle de ténèbres, ou si leur origine se perdait déjà dans la nuit des temps, le problème serait insoluble.