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DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE.

Ces principes générateurs y reçoivent une application et des développements qu’aucune nation de l’Europe n’a encore osé leur donner.

Dans le Connecticut, le corps électoral se composait, dès l’origine, de l’universalité des citoyens, et cela se conçoit sans peine[1]. Chez ce peuple naissant régnait alors une égalité presque parfaite entre les fortunes et plus encore entre les intelligences[2].

Dans le Connecticut, à cette époque, tous les agents du pouvoir exécutif étaient élus, jusqu’au gouverneur de l’État[3].

Les citoyens au-dessus de seize ans étaient obligés d’y porter les armes ; ils formaient une milice nationale qui nommait ses officiers, et devait se trouver prête en tous temps à marcher pour la défense du pays[4].

C’est dans les lois du Connecticut, comme dans toutes celles de la Nouvelle-Angleterre, qu’on voit naître et se développer cette indépendance communale qui forme encore de nos jours comme le principe et la vie de la liberté américaine.

Chez la plupart des nations européennes, l’existence politique a commencé dans les régions supérieures de la société, et s’est communiquée peu à peu, et toujours d’une manière incomplète, aux diverses parties du corps social.

  1. Constitution de 1638, p. 17.
  2. Dès 1641, l’assemblée générale de Rhode-Island déclarait à l’unanimité que le gouvernement de l’État consistait en une démocratie, et que le pouvoir reposait sur le corps des hommes libres, lesquels avaient seuls le droit de faire les lois et d’en surveiller l’exécution. Code of 1650, p. 70.
  3. Pitkin’s History, p. 47.
  4. Constitution de 1638, p. 12.