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GOUVERNEMENT FÉDÉRAL.

Placée au centre d’un continent immense, ou l’industrie humaine peut s’étendre sans bornes, l’Union est presque aussi isolée du monde que si elle se trouvait resserrée de tous côtés par l’Océan.

Le Canada ne compte qu’un million d’habitants ; sa population est divisée en deux nations ennemies. Les rigueurs du climat limitent l’étendue de son territoire et ferment pendant six mois ses ports.

Du Canada au golfe du Mexique, on rencontre encore quelques tribus sauvages à moitié détruites que 6,000 soldats poussent devant eux.

Au sud, l’Union touche par un point à l’empire du Mexique ; c’est de là probablement que viendront un jour les grandes guerres. Mais, pendant long-temps encore, l’état peu avancé de la civilisation, la corruption des mœurs et la misère, empêcheront le Mexique de prendre un rang élevé parmi les nations. Quant aux puissances de l’Europe, leur éloignement les rend peu redoutables (O).

Le grand bonheur des États-Unis n’est donc pas d’avoir trouvé une constitution fédérale qui leur permette de soutenir de grandes guerres, mais d’être tellement situés qu’il n’y en a pas pour eux à craindre.

Nul ne saurait apprécier plus que moi les avantages du système fédératif. J’y vois l’une des plus puissantes combinaisons en faveur de la prospérité et de la liberté humaine. J’envie le sort des nations auxquelles il a été permis de l’adopter. Mais je me refuse pourtant à croire que des peuples confédérés puissent lutter long-temps, à égalité de force, contre une nation où la puissance gouvernementale serait centralisée.

Le peuple qui, en présence des grandes monar-