Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 1.djvu/262

Cette page a été validée par deux contributeurs.
255
GOUVERNEMENT FÉDÉRAL.

la plupart des gouvernements ordinaires, le gouvernement fédéral peut faire tout ce qu’on lui donne le droit d’exécuter.

L’esprit humain invente plus facilement les choses que les mots : de là vient l’usage de tant de termes impropres et d’expressions incomplètes.

Plusieurs nations forment une ligue permanente et établissent une autorité suprême, qui, sans avoir action sur les simples citoyens, comme pourrait le faire un gouvernement national, a cependant action sur chacun des peuples confédérés, pris en corps.

Ce gouvernement, si différent de tous les autres, reçoit le nom de fédéral.

On découvre ensuite une forme de société dans laquelle plusieurs peuples se fondent réellement en un seul quant à certains intérêts communs, et restent séparés et seulement confédérés pour tous les autres.

Ici le pouvoir central agit sans intermédiaire sur les gouvernés, les administre et les juge lui-même, comme le font les gouvernements nationaux, mais il n’agit ainsi que dans un cercle restreint. Évidemment ce n’est plus là un gouvernement fédéral, c’est un gouvernement national incomplet. Ainsi on a trouvé une forme de gouvernement qui n’était précisément ni nationale ni fédérale ; mais on s’est arrêté là, et le mot nouveau qui doit exprimer la chose nouvelle n’existe point encore.

C’est pour n’avoir pas connu cette nouvelle espèce de confédération, que toutes les Unions sont arrivées à la guerre civile, à l’asservissement, ou à l’inertie. Les peuples qui les composaient ont tous manqué de