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GOUVERNEMENT FÉDÉRAL.

l’État ; mais elle ne l’attaque qu’indirectement et sur une application de détail. Elle frappe ainsi la loi dans ses conséquences, non dans son principe ; elle ne la détruit pas, elle l’énerve.

Restait enfin une dernière hypothèse :

Chaque État formait une corporation qui avait une existence et des droits civils à part ; conséquemment, il pouvait actionner ou être actionné devant les tribunaux. Un État pouvait, par exemple, poursuivre en justice un autre État.

Dans ce cas, il ne s’agissait plus pour l’Union d’attaquer une loi provinciale, mais de juger un procès dans lequel un État était partie. C’était un procès comme un autre ; la qualité seule des plaideurs était différente. Ici le danger signalé au commencement de ce chapitre existe encore ; mais cette fois on ne saurait l’éviter ; il est inhérent à l’essence même des constitutions fédérales, dont le résultat sera toujours de créer au sein de la nation des particuliers assez puissants pour que la justice s’exerce contre eux avec peine.



RANG ÉLEVÉ QU’OCCUPE LA COUR SUPRÊME PARMI LES GRANDS POUVOIRS DE L’ÉTAT.
Aucun peuple n’a constitué un aussi grand pouvoir judiciaire que les Américains. — Étendue de ses attributions. — Son influence politique. — La paix et l’existence même de l’Union dépendent de la sagesse des sept juges fédéraux.

Quand, après avoir examiné en détail l’organisation de la cour suprême, on arrive à considérer dans leur ensemble les attributions qui lui ont été don-