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DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE.

Quant à ceux-ci, on adopte comme principe général de les laisser libres dans la leur. Le gouvernement central ne peut ni les diriger, ni même y inspecter leur conduite.

J’ai indiqué au chapitre de la division des pouvoirs que ce dernier principe n’avait pas toujours été respecté. Il y a certaines lois qu’un État particulier ne peut faire, quoiqu’elles n’intéressent en apparence que lui seul.

Lorsqu’un État de l’Union rend une loi de cette nature, les citoyens qui sont lésés par l’exécution de cette loi peuvent en appeler aux cours fédérales.

Ainsi, la juridiction des cours fédérales s’étend non seulement à tous les procès qui prennent leur source dans les lois de l’Union, mais encore à tous ceux qui naissent dans les lois que les États particuliers ont faites contrairement à la constitution.

On interdit aux États de promulguer des lois rétroactives en matière criminelle ; l’homme qui est condamné en vertu d’une loi de cette espèce peut en appeler à la justice fédérale.

La constitution a également interdit aux États de faire des lois qui puissent détruire ou altérer les droits acquis en vertu d’un contrat (impairing the obligations of contracts)[1].

  1. Il est parfaitement clair, dit M. Story, p. 503, que toute loi qui étend, resserre ou change de quelque manière que ce soit l’intention des parties, telles qu’elles résultent des stipulations contenues dans un contrat, altère (impairs) ce contrat. Le même auteur définit avec soin au même endroit ce que la jurisprudence fédérale entend par un contrat. La définition est fort large. Une concession faite par l’État à un particulier et acceptée par lui est un contrat, et ne peut être enlevée par l’effet d’une nouvelle loi. Une charte accordée par l’État à une