Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 1.djvu/231

Cette page a été validée par deux contributeurs.
224
DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE.

vue, elles méritent particulièrement d’attirer nos regards.

Mais comment faire comprendre l’action politique des tribunaux américains, sans entrer dans quelques détails techniques sur leur constitution et sur leurs formes ; et comment descendre dans les détails sans rebuter, par l’aridité naturelle d’un pareil sujet, la curiosité du lecteur ? Comment rester clair, sans cesser d’être court ?

Je ne me flatte point d’avoir échappé à ces différents périls. Les hommes du monde trouveront encore que je suis trop long ; les légistes penseront que je suis trop bref. Mais c’est là un inconvénient attaché à mon sujet, en général, et à la matière spéciale que je traite dans ce moment.

La plus grande difficulté n’était pas de savoir comment on constituerait le gouvernement fédéral, mais comment on ferait obéir a ses lois.

Les gouvernements, en général, n’ont que deux moyens de vaincre les résistances que leur opposent les gouvernés : la force matérielle qu’ils trouvent en eux-mêmes ; la force morale que leur prêtent les arrêts des tribunaux.

Un gouvernement qui n’aurait que la guerre pour faire obéir à ses lois serait bien près de sa ruine. Il lui arriverait probablement l’une de ces deux choses : s’il était faible et modéré, il n’emploierait la force qu’à la dernière extrémité, et laisserait passer inaperçues une foule de désobéissances partielles ; alors l’État tomberait peu et peu en anarchie.

S’il était audacieux et puissant, il recourrait chaque jour à l’usage de la violence, et bientôt on le verrait